Rencontre avec la comédienne Leïla Boumedjane : "Je veux réussir sans personne et encore moins grâce à l'aide d'un homme"


Depuis deux mois, la jeune comédienne de 25 ans se produit sur la scène du Théâtre du Petit Gymnase dans la pièce décalée 9 mois de bonheur...enfin presque ! écrite par Oumar Diaw et Fonzie Meatoug et mise en scène par Noom Diawara (Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?) et dans laquelle elle rejoue, entre caprices extravagants et névroses burlesques, toutes les étapes cruciales de la maternité, de l'annonce de l'enfant à sa naissance, aux côtés du comédien Oumar Diaw. Women Lab l'a rencontré sur la terrasse du Théâtre du Gymnase.


© Isabelle Ratane
© Isabelle Ratane

Women Lab : Dans la pièce ton personnage clame qu'en 2016 les femmes s'assument et n'ont pas besoin des hommes. As-tu puisé dans ton vécu de femme pour ce type de scène et en quoi ce personnage te ressemble ?

Leïla Boumedjane : Peut-être que tout le monde peut dire ça maintenant mais depuis toute petite je veux faire les choses par moi-même et j'aurais même pu aller beaucoup plus vite mais j'ai ce truc là en moi, je ne sais pas si c'est de l'égo ou de la fierté, mais je veux réussir toute seule par moi-même, sans personne, et encore moins grâce à l'aide d'un homme. C'est honteux mais le personnage de Leïla dans la pièce me ressemble beaucoup (rires), je n'ai pas d'enfant mais j'en veux évidemment mais pas tout de suite. C'est drôle car il y a un phénomène un peu spécial là avec la pièce : j'ai l'impression d'être vraiment enceinte. Déjà je repère les femmes enceintes à des kilomètres, les affiches de femmes enceinte aussi, mais surtout quand je les voyais, je leur envoyais un regard de compassion. Faut que j'arrête (rires) !

WL : La grossesse, tant qu'on ne l'a pas vécue, c'est difficile de porter un jugement dessus. Comment as-tu travaillé ton personnage pour qu'il soit crédible tout en étant caricatural  ?

J'ai beaucoup suivi la grossesse de ma grande soeur qui a eu deux petites filles. Je l'ai suivie toute sa grossesse. Quand elle a accouché, je dormais même avec elle et je me réveillais pour faire les nuits de mes petites nièces. Même quand j'étais petite je m'occupais des enfants et j'adorais ça. Donc après j'ai bien sûr travaillé le personnage mais c'est surtout que j'ai une mémoire de dingue et j'ai encore tous les détails, l'image de toute sa grossesse, de ses envies, sa folie. 

WL : Quelle femme tu rêvais d'être quand tu étais petite ?

Une femme indépendante, un peu working-girl, qui n'a besoin de personne. Dès toute petite je voulais être une femme charismatique !

WL : Quelle(s) femme(s) t'inspirent au quotidien ?

Forcément ma maman, on est six enfants et on n'a jamais manqué de rien. J'ai été gâtée comme pas possible (rires), j'ai même trop été gâtée ! Et puis mes soeurs aussi car on est très proches, j'ai quatre soeurs et elles sont toutes différentes et elles ont toutes des spécifités extraordinaires. La plus grande, celle qui est enceinte, elle a le don de tout gérer, on dirait qu'elle ne connaît pas les problèmes. J'ai une autre soeur qui est très cultivée, elle fait des conférences partout dans le monde. Je m'inspire de mes soeurs et après en actrice ce serait Romy Schneider. Toute petite, j'avais le coffret de Sisi impératrice et je l'aimais de tout mon coeur. Elle était belle, elle jouait super bien, elle était sincère, crédible. Parmi les autres actrices il y a Ingrid Bergman. Actuellement en France j'adore Leïla Bekhti, elle a un jeu de dingue, elle sait tout jouer. Dans le registre comique j'adore Camille Cottin dans le sens où elle est sincère dans tout ce qu'elle dit. Elle est géniale dans la série 10%. Et aussi dans Mommy, la rousse muette, Anne Dorval, est exceptionnelle. 

WL : A quel moment de ta vie as-tu compris qu'être une femme ça n'allait pas être simple ?

C'est bête mais j'étais en cours d'éco au lycée et en fait on travaillait sur des études de l'INSEE et sur la parité hommes/femmes et j'ai vu vraiment noir sur blanc qu'il y avait des statistiques qui montraient qu'il y avait une inégalité avérée et flagrante. Et que voilà c'était admis en fait. 

WL : Quelle(s) injustices liées aux femmes te révoltent ?

Alors ça n'a rien à voir mais c'est un truc qui me touche. Je ne sais pas si ça répond à ta question mais tu vois quand il y a une jolie femme, qui peut être intelligente, douée et talentueuse, et bah que premièrement on la définisse par sa beauté moi ça me révolte. Je préfère qu'on me dise que je ne suis pas bête ou que je joue bien, plutôt que de dire que je suis belle. Alors qu'un homme on ne va pas lui parler de sa beauté, jamais, même s'il est super beau. Mais après c'est gentil mais ça m'embête qu'on commence par ça. 

© Isabelle Ratane
© Isabelle Ratane

WL : Que dirais-tu à la jeune fille que tu étais si tu la croisais ?

Je lui dirais que finalement c'est pas si mal de grandir. Parce que quand j'étais petite je ne sais pas peut-être que je voyais déjà très loin mais je savais que quand on serait plus grand on aurait plein de problèmes, que la vie était dure, différente. Et l'insouciance de l'enfance j'en étais consciente enfant et je ne voulais pas grandir. Je ne voulais vraiment pas grandir et même physiquement je pense que le mental a pris le dessus sur le physique parce que mes premiers soutiens-gorge je crois que c'était au lycée et je mettais des brassières, je ne voulais pas grandir. Maintenant je fais l'inverse tu vois (rires) ! 

WL : Tu te dis quoi quand tu vois ton reflet dans le miroir ?

Oulala je suis très chiante avec moi-même ! Que j'aurais voulu avoir les cheveux beaucoup plus longs, que si j'avais les yeux très tirés comme une femme asiatique ce serait super beau, alors si j'avais les yeux clairs je ne t'en parle même pas, que si je faisais 5cm de plus je serais extraordinaire. 

WL : Quels conseils donnerais-tu aux jeunes femmes qui veulent réussir dans la vie ?

De beaucoup beaucoup beaucoup travailler, encore plus dans ces métiers-là (le théâtre ndlr), il ne faut jamais se reposer sur ses acquis et il ne faut pas avoir peur de tenter pleins de trucs. Alors après il faut toujours par contre respecter qui on est et être sélective dans ce que l'on fait. Tu peux essayer des trucs, il ne faut pas avoir peur de se lancer, mais faut être sélective dans ce que tu fais par rapport à ce que l'on te propose et voir à long terme. Faut pas avoir peur de dire non à des trucs parfois même si ce sont des trucs qui sont vraiment biens mais pour X raisons tu ne le sens pas. 

WL : Qu'aimerais-tu accomplir dans le futur ?

Depuis que je suis toute petite j'ai un projet d'association farfelue et puis bien sûr du cinéma et surtout j'ai pleins d'idées de films et pour moi réaliser un film ce serait l'apothéose ! J'ai une idée de film complètement girl power, femmes d'affaires, wonder woman, et en plus personne ne l'a fait en France.

WL : Pour finir, as-tu une parole/citation prononcée par une femme qui t'as marquée ?

Alors tu vois ça concerne les femmes, ce n'est pas dit par une femme mais pour les femmes : "Il n'existe pas de femmes faibles. Une femme faible c'est une femme qui ne sait pas encore qu'elle est forte." de Kheiron.

  • Retrouvez Leïla Boumedjane dans 9 mois de bonheur... enfin presque ! jusqu'au 3 avril 2016, les vendredis et samedis à 21h30 et les dimanches à 18h00 au Théâtre du Petit Gymnase.
 

                                                                  Propos recueillis par Women Lab le 19 mars 2016 à Paris. 


Crédits photos : © Isabelle Ratane

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